Des civilistes à l’étranger – une volonté de s’ouvrir au monde
Faire son service civil dans un pays du Sud ? C’est possible aujourd’hui, mais c’était avant-gardiste hier. Les “objecteurs de conscience” étaient à l’époque des jeunes hommes refusant de faire leur service militaire et choisissant d’aider autrement. C’est ainsi que des civilistes animés par la paix sont partis avec DM soutenir des organisations partenaires en Afrique, en Amérique latine ou dans l’océan Indien. Cette évolution a été retracée dans un article publié en 2016 (voir ci-dessous), à l’occasion des 20 ans du service civil. Depuis, bon nombre de civilistes ont partagé leurs connaissances et découvert d’autres manières de vivre à l’autre bout de la planète.
Le civiliste Nicolas Shaw lors de son affectation comme enseignant de français à l’Église de Jésus-Christ à Madagascar (FJKM) avec deux classes de seconde à Anjozorobe, Madagascar en 2015. (Photo : màd)
Partir au loin et servir son pays
Depuis 2001, DM travaille avec des civilistes suisses, envoyés auprès de partenaires d’une dizaine de pays d’Afrique, de l’océan Indien et d’Amérique latine. En 2009, le Centre Kairos, partenaire de DM à Cuba, a vu ses locaux s’embellir, blanchir et s’éclairer pour accueillir les jeunes artistes et autres personnes âgées du quartier populaire de la Marina, à Matanzas. Côté albâtre, le civiliste vaudois Christophe Kaenel, gypsier peintre, a entrepris de rénover le Centre en transmettant ses compétences à plusieurs jeunes du quartier avant que le civiliste soleurois Benjamin Mahler prenne le relais pour enseigner des bases d’électricité. Des envois de personnes efficaces et dynamisants.
C’est pourtant de nombreuses années plus tôt, en janvier 1995, que DM a entrouvert la porte du service civil à l’étranger. La loi sur le service (LSC) n’est pas encore sous toit quand Roger Zürcher, 28 ans, ingénieur agronome du Jura bernois, prend le chemin du Tchad avec son épouse et leur petite fille âgée de 15 mois. C’est lui qui fait appel à DM pour qui il travaillera dans un centre agricole. Il est l’un des premiers civilistes suisses – objecteur de conscience à l’époque – à pouvoir effectuer ses obligations à l’étranger.
Le début
En 1996, contacté par l’Office fédéral de l’industrie, des arts et métiers et du travail (OFIAMT) qui gère alors le service civil, DM est appelé à devenir établissement d’affectation à l’étranger. « D’entrée, on s’en est réjoui, se souvient Gerda Borgeaud*, responsable des candidatures à DM. Les valeurs revendiquées par les objecteurs de conscience de l’époque faisaient écho à nos valeurs. »
Au fil des ans, l’écho se répercute de mieux en mieux. Du premier civiliste officiellement reconnu par le service civil et engagé en 2001 – un enseignant de français dans un lycée de l’Église de Jésus-Christ à Madagascar (FJKM), partenaire de DM à Madagascar –, aux treize civilistes partis sur le terrain en 2016, des dizaines de jeunes hommes ont poursuivi un processus de candidature souvent long et pointu. À ce jour, quatre-vingts civilistes se sont engagés avec DM sous la bannière « coopération au développement et aide humanitaire » en Afrique, dans l’océan Indien ou en Amérique latine.
Leurs points communs ? Ils sont Suisses, évidemment. Jeunes, curieux, affichant des convictions pacifistes et antimilitaristes et une volonté de s’ouvrir au monde. À partir de 2009, lorsque la nécessité de justifier sa décision par un examen de conscience approfondi a disparu, leur nombre n’a fait que croître, et plusieurs ont été reçus par Gerda Borgeaud. « Au départ, j’entends souvent leur envie d’aider, d’apporter leur savoir et leurs connaissances », souligne Gerda Borgeaud. « Mais dès les premiers entretiens, j’attire leur attention sur le fait qu’un envoi n’est pas seulement un travail. Nos civilistes vont être intégrés dans une communauté, une école, un lieu de vie où ils seront invités à participer et s’engager. Il faut avoir la capacité de s’adapter. »
Des travailleurs laïcs
Reconnu comme organisation d’Église, DM n’envoie pas pour autant des pasteurs et des théologiens aux quatre coins du monde : il est interdit aux civilistes de faire du prosélytisme. Envois et cahiers des charges exigent des travailleurs exclusivement laïcs même si, dans leur temps libre, les civilistes ont tout loisir de fraterniser dans les lieux d’Église. « L’aspect vie d’Église fait partie du quotidien, note Christophe Kaenel, civiliste vaudois à Cuba. N’étant pas pratiquant, cela ne m’a pas gêné, au contraire. Les valeurs éthiques que l’on partage, croyant ou non, sont souvent les mêmes. » Même son de cloche auprès de Raphaël Gallay, civiliste genevois au Mexique en 2007. « N’étant pas croyant, j’avais des a priori sur l’Église et son côté mission. En fait, je me suis aperçu de la richesse des échanges entre les spiritualités chrétienne et maya. J’ai réalisé que beaucoup de projets à caractères sociaux sont portés par les Églises. »
Partir à l’étranger devient de plus en plus compliqué. Cahiers des charges extrêmement spécifiques et précis, cours de gestion de communication et accompagnement, cours de sécurité lors de l’affectation à l’étranger, apprentissage d’une langue étrangère si l’on part pour l’Amérique latine, contrôle médical à Bâle : seuls les plus motivés et convenablement formés – CFC, bachelor ou master obligatoires – pourront se targuer de servir leurs pays aux antipodes. Pour en revenir à chaque fois différents et enrichis. « Les jeunes s’aperçoivent qu’ils reçoivent autant qu’ils apportent, voire davantage », sourit Gerda Borgeaud.
*Gerda Borgeaud était en charge des candidatures des civilistes jusqu’en 2019. Cette fonction est maintenant assurée par Valérie Maeder, coordinatrice du pôle échange de personnes.
Par l’échange de personnes et le soutien à des projets, DM s’engage pour l’agroécologie, l’éducation et la théologie avec les Eglises protestantes en Suisse et dans le monde, sous le signe de la réciprocité. Les questions liées au genre, à la gouvernance et à l’interculturalité traversent tous nos engagements.