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Joies et défis de la traduction de la Bible

Conseillère internationale en traduction de la Bible au sein de l’Alliance biblique universelle, la pasteure et théologienne malgache Brigitte Rabarijaona était de passage à DM. Elle nous parle avec passion de son travail, avec ses joies et ses défis.

Brigitte Rabarijaona.

Peux-tu nous expliquer brièvement ton travail ?

Une partie de mon travail se passe en Afrique avec la formation des traducteurs et des traductrices. Une autre partie est mondiale avec la formation académique de conseillers et conseillères en traduction.
J’accompagne aussi des projets de traduction en étant active à la fois dans le processus et le contenu de traduction.
La dernière partie de mon engagement est la coordination de la feuille de route de la traduction en Afrique.

Il y a très peu de femmes traductrices. En quoi est-ce un enjeu ?

Plusieurs raisons expliquent qu’il y a moins de femmes traductrices et conseillères en traduction. Il faut par exemple avoir un doctorat pour occuper un poste de conseiller ou conseillère internationale en traduction et ce n’est pas toujours facile de trouver des femmes qui en ont un, surtout en Afrique. Par ailleurs, dans les Églises, le leadership est souvent occupé par les hommes et ce sont généralement les pasteurs qui sont envoyés comme traducteurs car il faut une base de connaissances théologiques. Or dans beaucoup de pays il y a moins de femmes pasteures que d’hommes.

Même s’il y a le souhait de sortir du patriarcat dans la façon de traduire, cette sous-représentation féminine se fait sentir, notamment dans le choix des expressions. Par exemple quand il faut traduire les passages sur les menstruations ou les accouchements, les hommes ont souvent beaucoup de mal à les visualiser et à trouver les termes appropriés et ça peut fausser la traduction. Mais il y a tout simplement aussi la tendance à renforcer ce patriarcat qui est déjà assez important dans certains passages bibliques là où la langue cible n’utilise même pas le genre. On aimerait qu’il y ait plus d’équilibre.

Si, en tant que femme, tu relèves ces décalages, est-ce généralement bien compris ?

Cela dépend de mon tact et de mon vis-à-vis. La traduction est toujours une négociation. Ce n’est pas qui va gagner ou perdre mais quel est le compromis qui fait sens. Le but dans une traduction c’est justement de prendre le sens des écritures en grec et en hébreu dans cette langue-là pour que ça parle au cœur des gens, dans leur propre contexte.

Toute traduction est ancrée culturellement. En quoi ta propre expérience interculturelle est-elle utile pour accompagner les équipes ?

C’est très utile car tu passes à côté de l’essentiel si tu traduis mot à mot, sans tenir compte de cet aspect culturel. Traduire est finalement très humain. C’est fait par des humains pour des humains.

Être insulaire [ndrl : originaire de Madagascar] apporte une autre vision du monde que celle qu’ont les continentaux. C’est vrai que j’ai eu la chance de sortir de Madagascar, de faire des études au Cameroun. Cela m’a permis de comprendre que la culture africaine n’est pas unique. Après le Cameroun je suis venue en Suisse pour faire mon doctorat. Ce séjour m’a donné du recul par rapport à l’Afrique et à Madagascar. C’est très utile dans le travail que je fais actuellement. Si on n’a pas cette ouverture, cette volonté d’apprendre la culture de l’autre, le conseil en traduction que tu donnes peut même être complètement à côté de la plaque.

Partir de Madagascar m’a fait mal et je voulais y revenir, servir l’Église malgache. Mais finalement, maintenant je travaille pour toutes les Églises, toutes les confessions, pour l’Afrique. Travailler pour la traduction de la Bible est un bon moyen de servir l’Évangile.

Tu vas intervenir dans le prochain CAS en théologie interculturelle à Bossey, que souhaites-tu apporter aux participant.e.s ?

Dans mes prédications, j’aime bien, surtout en Afrique, dire « arrêtons de continuer de rêver du ciel en oubliant que nous avons les pieds sur terre ». Je cherche à avoir un message qui parle à ce monde en pleine crise tout en tenant compte de toutes nos richesses et bénédictions culturelles.

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Par l’échange de personnes et le soutien à des projets, DM s’engage pour l’agroécologie, l’éducation et la théologie avec les Eglises protestantes en Suisse et dans le monde, sous le signe de la réciprocité. Les questions liées au genre, à la gouvernance et à l’interculturalité traversent tous nos engagements.

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